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Les heures supplémentaires : cadre légal et risques pour l’employeur

Rédigé par Nicolas | 12 sept. 2025 09:15:49

Dans la vie quotidienne des entreprises, les heures supplémentaires sont monnaie courante. Elles répondent à des besoins ponctuels : respecter des délais serrés, absorber des pics de production, gérer des chantiers urgents dans le BTP ou assurer des livraisons dans la logistique et l’agroalimentaire.
Pourtant, même si ces pratiques semblent naturelles et parfois indispensables, elles sont strictement encadrées par le droit du travail.

Le non-respect de ce cadre peut avoir des conséquences lourdes : litiges prud’homaux, requalifications juridiques, sanctions financières, voire pénales. Les contrôles URSSAF ou les contentieux devant les prud’hommes rappellent régulièrement aux employeurs que la gestion des heures supplémentaires ne doit rien laisser au hasard.

 

Cet article vous propose un tour d’horizon complet : définition des heures supplémentaires, règles à respecter, obligations de l’employeur et risques encourus en cas de non-conformité.

1. Définition des heures supplémentaires

Les heures supplémentaires désignent toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée légale hebdomadaire, fixée à 35 heures pour un salarié à temps plein (article L3121-28 du Code du travail).

Trois critères essentiels pour qu’elles soient valides

  • Elles doivent être réalisées à la demande de l’employeur, ou avec son accord tacite.

  • Elles doivent être enregistrées et tracées : badgeuse, feuilles de présence, plannings signés, logiciels RH.

  • Elles doivent être rémunérées avec les majorations prévues par la loi ou par la convention collective applicable.

Un employeur ne peut donc pas ignorer des heures effectuées par un salarié, dès lors qu’elles étaient nécessaires au travail demandé et qu’il en avait connaissance.

2. Conditions de recours aux heures supplémentaires


L’employeur peut solliciter des heures supplémentaires, mais il doit respecter des règles strictes.

a. Le contingent annuel d’heures supplémentaires

Dans le secteur du BTP, l’accord national du 6 novembre 2002 fixe le contingent annuel à 180 heures par salarié, sauf dispositions conventionnelles plus favorables.
Au-delà de ce contingent, l’entreprise doit :

  • consulter le CSE (Comité Social et Économique), s’il existe,

  • accorder éventuellement des contreparties spécifiques comme des repos compensateurs supplémentaires.

b. Le respect des durées maximales de travail

La loi fixe des limites incompressibles :

  • 10 heures maximum par jour, sauf dérogation,

  • 48 heures maximum sur une même semaine,

  • 44 heures en moyenne sur 12 semaines consécutives.

⚠️ Dépasser ces plafonds expose l’employeur à des sanctions administratives, voire à des poursuites pénales.

3. La majoration des heures supplémentaires

Le paiement des heures supplémentaires n’est pas optionnel : la loi impose une majoration (sauf accord de remplacement par repos compensateur).

Taux applicables en l’absence d’accord collectif

  • De la 36ᵉ à la 43ᵉ heure : +25 %

  • À partir de la 44ᵉ heure : +50 %

Ces majorations s’appliquent au salaire horaire habituel. Les conventions collectives peuvent prévoir des conditions plus favorables, que l’employeur doit appliquer.

4. Le repos compensateur de remplacement

L’employeur peut substituer au paiement majoré un repos compensateur équivalent (article L3121-24 du Code du travail).

Conditions d’application

  • Le repos doit avoir une valeur équivalente à la majoration prévue.

  • Il doit être accordé dans un délai raisonnable.

  • Sa gestion doit être parfaitement tracée (compteur de repos, registre, logiciel RH).

Ce système permet de limiter les coûts pour l’entreprise, tout en respectant les droits des salariés. Mais il suppose une organisation rigoureuse de la gestion du temps de travail.

5. Les conséquences du non-paiement des heures supplémentaires

Ne pas payer les heures supplémentaires constitue un manquement grave de l’employeur à ses obligations.

a. Le rappel de salaire

Le salarié peut saisir les prud’hommes dans un délai de 3 ans pour demander :

  • le paiement des heures effectuées,

  • les majorations légales ou conventionnelles,

  • des intérêts de retard.

Il lui faudra présenter des éléments précis : emails, plannings, attestations. L’employeur doit, en retour, fournir les décomptes horaires. En cas de doute, les juges donnent souvent raison au salarié.

b. La résiliation judiciaire

Si le non-paiement est répété, le salarié peut demander aux prud’hommes la résiliation judiciaire de son contrat, aux torts exclusifs de l’employeur.
Celle-ci est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvrant droit à :

  • indemnité de préavis,

  • indemnité légale ou conventionnelle de licenciement,

  • dommages-intérêts pouvant aller jusqu’à 20 mois de salaire selon l’ancienneté.

c. La prise d’acte de rupture

Le salarié peut également prendre acte de la rupture de son contrat. Si les juges reconnaissent le manquement de l’employeur, la rupture est assimilée à un licenciement abusif.


6. Le travail dissimulé : un risque pénal majeur

Lorsque les heures supplémentaires sont volontairement omises sur les bulletins de paie et qu’aucune contrepartie n’est accordée, il s’agit de travail dissimulé (article L8221-5 du Code du travail).

a. Les critères

Le travail dissimulé est caractérisé si l’employeur :

  • ne déclare pas tout ou partie des heures effectuées,

  • ne verse pas les cotisations sociales correspondantes,

  • fournit des bulletins de paie inexactes.

b. Les sanctions

Elles sont particulièrement lourdes :

  • 45 000 € d’amende et jusqu’à 3 ans de prison pour une personne physique,

  • 225 000 € d’amende pour une personne morale,

  • versement d’une indemnité forfaitaire de six mois de salaire au salarié,

  • redressements URSSAF avec pénalités et majorations.

7. Bonnes pratiques pour sécuriser la gestion des heures supplémentaires

Pour éviter litiges et sanctions, l’employeur doit mettre en place une gestion transparente et sécurisée du temps de travail.

Quelques recommandations clés

  • tenir un registre précis des horaires (badgeuse, logiciels RH, feuilles d’émargement),

  • informer les salariés et demander une validation écrite en cas de volumes exceptionnels,

  • consulter le CSE lorsque le contingent annuel est dépassé,

  • appliquer systématiquement les majorations légales ou le repos compensateur,

  • respecter les délais de paie,

  • vérifier les dispositions de la convention collective applicable,

  • former les managers pour éviter les dérives et anticiper les risques.

8. Les litiges devant les prud’hommes

Le Conseil de prud’hommes est compétent pour régler les litiges liés aux heures supplémentaires. Les contestations sont fréquentes :

  • heures effectuées non comptabilisées,

  • majorations non appliquées,

  • repos compensateur non attribué,

  • rupture abusive du contrat en lien avec les heures supplémentaires.

La charge de la preuve

Devant les prud’hommes, le salarié doit apporter des éléments “suffisamment précis” (emails, relevés d’heures, attestations).
L’employeur doit, de son côté, produire ses propres justificatifs. En cas d’insuffisance de preuves, les juges peuvent fonder leur décision sur les éléments du salarié, surtout si ceux-ci paraissent cohérents.

Conclusion : les heures supplémentaires, un outil de flexibilité encadré par la loi

Les heures supplémentaires restent un outil essentiel de flexibilité pour les entreprises, notamment dans le BTP, la logistique, l’industrie et l’événementiel. Mais elles supposent un respect strict du cadre légal : contingent annuel, plafonds journaliers et hebdomadaires, majorations, repos compensateur.

Pour l’employeur, négliger ces obligations expose à des risques majeurs : rappels de salaires, requalification judiciaire, sanctions pénales en cas de travail dissimulé, redressements URSSAF. Pour le salarié, la loi offre de nombreux recours devant les prud’hommes pour faire valoir ses droits.

Une gestion saine et transparente du temps de travail, associée à un dialogue social de qualité, constitue la meilleure protection contre les litiges. Respecter la réglementation, c’est à la fois préserver la santé financière de l’entreprise et renforcer la confiance des salariés.